Débranche ton cerveau !

18 octobre 2019 ! Une date à marquer d’une pierre blanche pour moi. Au début de l’année, j’ai voulu me lancer un nouveau défi : participer à la Mascareignes (une des courses du Grand Raid à La Réunion.) La Mascareignes c’est 66 kilomètres pour 3505 mètres de dénivelé positif. Après avoir découvert quelques sentiers, je me suis dit que je pouvais me lancer, je sais je peux avoir des excès de confiance parfois…

Je suis courageuse mais pas téméraire ! J’ai donc entraîné deux de mes amies et mon homme dans l’aventure. Quelques mois de préparation en alternant, sorties nature, fractionnés sur piste ou encore courses au seuil sur route, nous voilà parés ! Enfin quelques coupures pour blessure : ma tendinopathie de la hanche a failli avoir raison de ma motivation. J’ai enchainé kiné, ostéo et séance de cryo jusqu’à la dernière semaine.

Départ de la Masca (c’est son petit nom) à 3h du matin de Grand Ilet à Salazie (un des 3 cirques de La Réunion). Déjà, là vous devez vous dire : quoi 3h du mat’ ? Mais elle a fait nuit blanche alors ! Ben oui c’est tout à fait ça. j’aurais du me douter que ça n’allait pas être une mince affaire. Déjà tout frais c’est hard, mais sans sommeil réparateur avant…

Bref, après une attente de 2h sur un stade de basket que le coup d’envoi soit tiré, nous voilà partis pour notre périple. 1750 compétiteurs. Le départ est impressionnant ! Nous tentons de nous tenir tous les quatre par la main pour ne pas nous perdre. On arrive à peu près en même temps après un passage de quelques kilomètres sur le bitume vers un petit sentier. Les ennuis commencent, le nombre de personnes fait que ça bouchonne avant la traversée de rivière. Au bas mot, nous sommes restés 45 minutes à l’arrêt complet avant que ça se décoince. Là je me dis, j’ai des bouchons en voiture pour aller au bureau, voilà que j’en ai en pleine nature et par 12 degrés.

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Je ne fais pas la fière. En plus, détail qui aura son importance ensuite, étant diabétique de type 1, j’avais anticipé une activité soutenue et donc diminué les doses d’insuline. Calcul forcément perdant quand on ne bouge pas…

Enfin les bouchons se résorbent et on peut attaquer une « petite montée » de près de 700 mètres de dénivelé positif. Les premières fatigues commencent à se voir chez certains, on peut avancer en dépassant quelques personnes. J’avais trop peur de ne pas passer la première barrière horaire avec les temps d’arrêt qu’on a eus. Par bonheur on arrive avant l’heure limite. Ensuite, c’est une descente par le sentier Scout qui nous mène vers le cirque de Mafate. Là, malgré la boue consécutive aux pluies du début de soirée précédente, on arrive à courir un peu. Il est aux alentours de 6h30 du matin. Pendant ce tronçon nous sommes accompagnés par un soleil radieux qui finit de nous réchauffer les mains.

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Après s’être bien dégourdi les jambes, on attaque la montée d’Aurère. Montée courte mais intense. Certains coureurs montrent de gros signes de fatigue, je ne sais par quel miracle, notre petit groupe tient bon et avance sans faire de pause. Ravitaillement à Aurère, où une ambiance extra nous attend. Tout au long de la course je ne pourrais que saluer la gentillesse des bénévoles.

Après une pause 18 minutes, (qu’est-ce que ça passe vite les pauses !) on repart pour une nouvelle descente, où là il faut vraiment avoir les yeux en face des trous, la moindre chute pouvant être fatale.

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Arrivée sans encombre au lieu-dit « Deux-Bras ». Après quelques traversées de la rivière, nous avons un peu de chemin sur lequel courir, j’avoue que je n’ai pas la force de le faire tout le long,

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d’autant que l’on sait qu’il nous faut bientôt attaquer le pire tronçon du parcours pour moi : le « mur » de Dos d’Âne. Pourquoi on l’appelle le mur ? parce qu’en moins de 5 kilomètres, on prend 800m de dénivelé positif dans les dents ! Dans les jambes plutôt. Sentier mythique dans lequel vous avez plus l’impression de faire de l’escalade que du trail. Encore une fois, il me faut faire abstraction que la moindre chute peut me tuer. Il y a des échelles, des cordes (parfois coupées !) à monter… le tout à flanc de falaise. Encore une fois, on relève le défi et on arrive en haut. Là nos enfants nous attendent pour nous encourager. Le grand est surpris quand il nous voit repartir : « quoi ben vous avez pas fini la course ? », « non, mon chéri, on n’a pas fait la moitié encore ».

Allez, hauts les cœurs on poursuit notre périple. Là je vais plutôt bien au niveau musculaire, aucune crampe, aucune douleur, mais je commence à avoir la nausée en descendant le sentier de « Kalla ». Ma glycémie a du mal à descendre, résultat, je n’ai pas faim. Avec le recul, (d’une journée quand même !), je sais que je ne me suis pas assez alimentée pendant l’épreuve, ce qui a fait que j’ai eu un énorme coup de mou au niveau de La Possession. Plus q’un coup de mou, en fait, je voulais carrément abandonner. A 40 kilomètres de course, je ne me sentais plus capable de continuer. Mon homme et mon amie avec qui nous avions fait tout le début de course voulaient m’attendre et m’encourageaient à avancer. J’étais bloquée, et je ne voulais surtout pas qu’ils ne passent pas la prochaine barrière horaire de la Grande Chaloupe. Je les ai suppliés de me laisser et de continuer sans moi (oui oui, comme dans les films, où le blessé se sacrifie pour les autres). A contre-cœur, c’est ce qu’ils ont fait et je suis restée de longues minutes à avancer vitesse escargot jusqu’au prochain tronçon, tant redouté : le Chemin des Anglais. Pendant ce laps de temps, des dizaines d’idées contradictoires se sont bousculées dans ma tête : « c’est pas une honte d’abandonner, j’ai déjà fait 40 bornes c’est déjà pas mal, j’avais jamais dépassé 25km en trail ! » « J’ai toujours dit que si j’arrivais à faire ces 40 premiers kilomètres, le reste se ferait au mental. » « Oui mais bon courir avec la nausée, c’est pas top non plus. » « J’ai sommeil en plus. » « J’ai envie de me brosser les dents. » « Zut ma mère m’a dit texto : tu y arriveras parce que tu as un mental d’acier. » « Fait chier d’être diabétique, ça gâche tout ! C’est l’hyperglycémie qui me donne envie de vomir. » « En même temps je me suis promis que jamais le diabète ne m’empêcherait de faire ce que je veux faire. » « Mes amis seront trop déçus si j’arrête. Et moi je m’en voudrais de leur gâcher ce qui devait être notre victoire collective ». Vous savez c’est un peu comme quand j’ai eu mon BAC, je cachais un peu ma joie devant ceux qui l’avaient raté, qu’est-ce que c’était frustrant !

Bref, tout un enchaînement de pensées qui est arrivé à la conclusion que c’était trop bête de lâcher maintenant, diabétique ou pas, mais surtout parce que je le suis, j’ai voulu continuer. Une fois la décision prise, plus de nausée qui tienne. Comme par magie, j’ai dépassé plein de gens pour pouvoir rattraper mon amie. Dans la montée, plein de coureurs qui n’arrivaient plus à avancer.

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Je me disais : allez avance, si tu abandonnes tu te sentiras obligée de le refaire l’année prochaine. A ce moment-là je voulais tout sauf ça. De plus des amis ( J et Y merci encore!) sont venus à notre rencontre et ont su trouver les mots pour me faire repartir du bon pied. Le conseil qui m’a le plus servi à ce moment-là, c’est « débranche ton cerveau ! » C’est exactement ce que j’ai fait, je me suis imaginée être juste mes jambes, je sais c’est bizarre, mais ça a fonctionné.

« Plus le corps est faible, plus il commande, plus il est fort, plus il obéit. »

Jean-Jacques Rousseau

Finalement, nous sommes arrivées au pointage suivant. Là, nos assistantes de luxe nous attendaient pour nous prodiguer les meilleurs soins : rafraîchissement, massages, mots d’encouragement… L et S, si vous me lisez, sachez que je ne vous remercierai jamais assez. Mon homme était déjà là à se faire masser, je vous rassure, il a quand même eu l’air heureux de me revoir ! Nous avons pu repartir gonflés à bloc pour la dernière ascension : la montée vers le Colorado. La nuit commençait à tomber. Comme le matin on a repris nos lampes frontales. La montée fut longue mais pas aussi difficile que ce que nous avions fait depuis le matin. Arrivés au Colorado sous un vent glacial, je tombe sur mon petit frère qui nous a fait la surprise d’être là avant notre ultime descente. J’ai été immensément touchée de le voir là. C’est heureuse, que j’ai attaqué la descente vers le stade La Redoute, où se trouve l’arche d’arrivée tant attendue. Bon, une descente qui parait tout de même interminable : à l’entrainement, je la fais gaiement en une heure. Là dans la nuit et avec la file des derniers coureurs avant nous, ça nous a pris 1h30.

Enfin, au bout de 18 heures, cinq minutes et quarante-quatre secondes, mon homme et moi avons passé la ligne d’arrivée main dans la main. 18 heures d’émotions intenses : joie, tristesse, sentiment de dépassement, envie de tout arrêter, envie de se surpasser, larmes, rires, fatigue, euphorie… Ce que je retiens de cette histoire, c’est que je me suis à l’origine lancé un défi individuel, qui s’est transformé en une grande et belle aventure collective et sans tous ces encouragements, sous quelque forme que ce soit, je ne serai jamais arrivée au bout… Merci pour tout !

6 commentaires sur “Débranche ton cerveau !

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    1. Merci. En fait je suis sous pompe et capteur de glycémie. Du coup parfois j’ai complètement arrêté le débit. Diminuer de moitié toutes tes doses et bien veiller à t’alimenter pendant l’épreuve devait faire l’affaire.
      Bon marathon !

      J’aime

  1. Bonjour je suis de l’île de la Réunion
    Diabètique depuis 1an.
    Je rêve de pouvoir faire ce que vous avez fait.
    J’espère pouvoir partager mon expérience avec vous l’année prochaine.
    Félicitations

    Aimé par 1 personne

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